La Rupture Tranquille

Ce n’est donc pas l’annonce de la candidature de Nicolas Sarkozy qui retint toute notre attention, mais une phrase et une seule :

« Je veux une rupture tranquille »

Alors pourquoi s’arrêter sur cette phrase-là ?
Eh bien parce que, autant « Michèle » et « Ma Belle » sont des mots qui vont très bien ensemble, autant « rupture » et « tranquille » non.
Du moins, en première lecture.

Car c’est oublier que Nicolas Sarkozy en pince pour la littérature.
Et si l’on a tendance à l’oublier, c’est parce que ses soutiens « pipol » tels que Didier Barbelivien, Johnny Hallyday ou Steevy Boulay nous en éloignent considérablement, de la littérature.

Et Louis-Ferdinand Céline alors , vous en faites quoi ?

Car oui, Céline est l’auteur préféré du Ministre de l’Intérieur.
Même que le « Voyage Au Bout De La Nuit » est son roman favori.

Pour ma part, je préfère « Mort A Crédit ».
Chacun son Céline, comme chacun sa merde.

Mais revenons à cette « rupture tranquille » qui sonne comme cette « obscure clarté » que l’on trouve dans « Le Cid » de Corneille.
On appelle cela un oxymore.
Un oxymore (à crédit ? – mouhaha) est une figure de style permettant de créer un paradoxe, une image surprenante, que l’on peut comparer à une métaphore.

Ceci étant clarifié, que peut bien cacher cette « rupture tranquille » sinon … Nicolas Sarkozy lui-même ?
La seule manière de le découvrir et de procéder le plus simplement du monde.
Et la simplicité, c’est d’isoler les deux termes pour observer tranquillement leur définition propre.

RUPTURE : nf – Cessation brusque (de ce qui durait, durait, durait …)

TRANQUILLE : adj – Calme et régulier. Qui est par nature peu remuant, n’éprouve pas le besoin de mouvement, de bruit.

Vous remarquerez que la définition la plus intéressante est celle de l’adjectif « tranquille ».
D’abord parce qu’elle ne correspond pas au Nicolas Sarkozy que nous connaissons, celui des déclarations tonitruantes (« Kärcher », « racaille ») de l’homme toujours en action, qui bouge tout le temps, qui certes apparaît « régulier » dans son omniprésence médiatique, mais si peu calme et tant remuant.

Ensuite, parce que la définition du terme « tranquille » indique le « non-besoin » de mouvement.
Or, dans le même entretien, Nicolas Sarkozy accuse le Parti Socialiste d’être le représentant de … l’immobilisme.
Qu’est-ce que l’immobilisme, sinon JUSTEMENT l’absence de mouvement qu’il revendique pourtant en employant l’adjectif « tranquille » ?

Vous me direz qu’en amoureux des oxymorons, Sarkozy pourrait rétorquer que le littéraire aime à évoquer le « voyageur immobile »…

Ici rendu, nous avons désormais de quoi décrypter cet oxymore sarkozien, la « rupture tranquille ».
Ce n’est donc pas la rupture promise depuis des mois par Nicolas Sarkozy, celle d’avec un système qui (per)dure depuis trente ans ; c’est la rupture avec … Nicolas Sarkozy tel que nous l’avons jusqu’ici connu.

Désormais officiellement candidat à la plus haute fonction de l’Etat, il nous annonce qu’il rompt avec l’homme tapageur, l’homme trépidant, survolté ou, pour rester dans l’imagerie littéraire, tempétueux.

Elle est donc là, la rupture : Sarkozy rompt avec lui-même.
C’était inévitable.
Car à la réflexion avec qui d’autre pouvait-il rompre ?
Certainement pas avec le peuple français dont il réclame officiellement les suffrages … Ce peuple qui depuis deux siècles croit que La Bastille est prise, pour toujours, et à jamais.
A tort, bien sûr …

[Ce billet est également publié par le site AgoraVox]

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